Communiqué de presse de l’AMF et de l’ANEL du 19 mai 2022
Le 6 avril dernier, le Gouvernement a adopté l’ordonnance relative à l’« aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte » prévue par l’article 248 de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021.
Elle s’applique à ce jour aux 126 communes de métropole et d’outre–mer listées dans le décret du 29 avril 2022, consultées à la hâte et sans véritable information sur le diagnostic de leur exposition à l’érosion littorale, ni sur les servitudes d’inconstructibilité auxquelles elles seront soumises, ni sur le financement futur des mesures.
L’ANEL et l’AMF regrettent qu’un texte d’une telle importance ait été adopté dans l’urgence, sans consultation du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML), sans véritable concertation avec le grand public ni les élus, et contre l’avis défavorable du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN).
Les communes littorales attendent depuis longtemps les outils et ressources nécessaires à leur adaptation à l’érosion côtière afin d’éviter les situations juridiques et humaines inextricables révélées par le cas emblématique de l’immeuble Le Signal à Soulac–sur–Mer.
Les nouveaux outils que propose l’ordonnance ne répondent pas à cette attente, ni du point de vue de la sécurité juridique, ni sur celui de la garantie des ressources :
- Le choix d’un passage par voie d’ordonnance n’a évidemment pas permis d’éclairer ces dispositions par le débat parlementaire et, in fine, l’ordonnance s’écarte du cadre voté dans la loi Climat et Résilience, notamment dans l’absence de prise en compte des ouvrages de protection ou encore l’omission des mesures d’accompagnement en cas d’expropriation.
- L’ordonnance crée une rupture d’égalité entre les citoyens au regard de leurs droits de propriété en instaurant des modalités distinctes d’évaluation des biens selon les situations administratives et non pas selon la réalité des faits et risques auxquels ils sont exposés.
- Enfin, l’ordonnance opère un transfert de charges masqué de l’État vers les communes, sans les ressources financières dédiées, alors que l’impact financier de l’érosion du littoral est estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Aussi, l’AMF et l’ANEL se sont résolues à saisir le Conseil d’État pour l’interroger sur le bien–fondé de ce texte et afin de garantir la sécurité juridique de l’ensemble de ce dispositif et d’accompagner l’action des maires.
Il s’agit de limiter les futurs contentieux ainsi que de préciser les nombreuses zones d’ombre qui pèsent sur un texte qui conditionnera l’action des collectivités et des différents opérateurs intervenant en matière d’aménagement des littoraux. Autant de questions qui méritent clarification aujourd’hui pour éviter, demain, de bloquer l’adaptation des territoires littoraux exposés à l’érosion et de grever l’action des collectivités et ainsi permettre l’accompagnement nécessaire des habitants (propriétaires ou locataires) et des activités économiques et de service public.